INFOS
Publié pour la première fois en 2006.
2008 pour la présente traduction chez les Éditions de l'Olivier.
Titre original : The Road
Traduit de l'américain par François Hirsch.
Prix Pulitzer 2007, James Tait Black Memorial Prize 2006.
252 pages
Sur La Route de Cormac McCarthy, point de salut, peu d'espoir, une fuite de tous les instants, vers quoi ? On ne sait pas. Le monde est dévasté, il n'y a plus de lumière, plus de végétation, rien que de la cendre, des morts et quelques survivants. Un père et son fils sur la route cheminent poussant un caddie rempli de leurs maigres possessions tel un escargot portant sa coquille. Le froid, la faim, la peur sont leur quotidien.
Il y a longtemps, j'ai lu deux autres bouquins de cet auteur, De si jolis chevaux et Le Grand Passage. J'avais été fortement déroutée (haha) par le style si particulier de l'auteur : cette manie de mettre plusieurs "et" dans une même phrase, la quasi absence de virgules et l'absence de tirets pour marquer les dialogues. On retrouve le même ici, en plus épuré.
Si le style est épuré, le contenu l'est aussi. Le père et le fils n'ont pas de nom. Ils sont "l'homme" et le "petit". On ne sait pas précisément ce qu'il s'est passé, quelle était leur vie avant la catastrophe, où ils sont, où ils vont précisément, quand l'histoire se passe-t-elle par rapport à la catastrophe et par rapport à un calendrier quelconque, le pourquoi de cette fuite vers nulle part semble nous échapper aussi. Le lecteur est laissé à son propre désespoir, tout seul sur le bord de la route. Il faut se débrouiller avec ses propres théories et recoller les morceaux avec les bribes d'information que l'auteur veut bien nous donner.
Ce qu'il reste c'est un tapis de cendres et une force qui les pousse à reste humains malgré la folie barbare qui se déchaine autour d'eux. Eux, ils sont les "gentils". Quant à l'enfant, de l'avis de son père, il "porte le feu". Prométhée de l'Apocalypse, né avec elle, il représente le seul espoir d'une humanité en perdition, qui paradoxalement se mange elle-même pour survivre. Il porte la flamme de l'innocence et de la transmission, dans un monde où Dieu n'existe plus.
Au-delà des larmes dans lesquelles je me suis noyée en terminant le livre, il me reste une putain d'impression de parcours initiatique sur la condition humaine et des questions sur l'avenir de cette condition. Que peut-on espérer de l'humanité ? Quel sens donner à ce que nous accomplissons, en bien ou en mal ? Quel est la place de l'Homme dans l'ordre des choses ?
En passant, je remercie mon frère qui m'a offert ce livre pour Noël -oui , on a le Noël joyeux dans la famille- de m'avoir épargné la couverture Viggo Mortensen. Outre le fait que l'aspect marketing et tue-imaginaire des couvertures-affiches de film est quelque peu dérangeant, la couverture toute blanche, lavée de toute fioriture -le "Prix Pulitzer" en-dessous est déjà de trop- convient très bien au propos.
D'accord.
QUELQUES EXTRAITS
• Je voudrais être avec ma maman.
Il ne répondit pas.Il s'assit à côté de la petite silhouette enveloppée dans les couettes et les couvertures. Au bout d'un moment, il dit : Tu veux dire que tu voudrais être mort.
Oui.
• Le morne soleil invisible sur sa trajectoire de l'autre côté des ténèbres.
• C'est mon enfant, dit-il. Je suis en train de lui laver les cheveux pour enlever les restes de la cervelle d'un mort. C'est mon rôle.
• Il faut que je retourne chercher du bois, dit-il. Je serai dans le coin. D'accord ?
C'est où le coin ?
Ça veut dire pas loin.
D'accord.
• Il pris la main du petit et y poussa le revolver. Prends-le, souffla-t-il. Le petit était terrifié. Il l'entourait de son bras et le serrait conte lui. Son corps si mince. N'aie pas peur, dit-il. S'ils te trouvent il va falloir que tu le fasses. Tu comprends ? Chut. Ne pleure pas. Tu m'entends ? Tu sais comment t'y prendre. Tu le mets dans ta bouche en le pointant vers le haut. Presse vite et fort. Tu comprends ? Arrête de pleurer. Tu comprends ?
• Il regardait le petit. Il voyait la déception sur son visage. Je te demande pardon elle n'est pas bleue, dit-il. Tant pis, dit le petit.
• Quelle différence y a t-il entre ne sera jamais et n'a jamais été ?
POUR ALLER PLUS LOIN
- Des critiques du livre très intéressantes : bartlebylesyeuxouverts : http://bartlebylesyeuxouverts.blogspot.com/2008/01/promthe-porteur-de-feu-mccarthy-la.html ; Maxence : http://livres.fluctuat.net/blog/29112-retour-sur-la-route-avec-cormac-mccarthy.html et Fabrice Colin : http://livres.fluctuat.net/cormac-mccarthy/livres/la-route/2380-chronique-la-route-de-cormac-mccarthy.html sur fluctuat.net.
- Cormac McCarthy sur Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Cormac_McCarthy
- L'article à propos de Prométhée sur Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Prom%C3%A9th%C3%A9e
- l'hiver nucléaire sur Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Hiver_nucl%C3%A9aire
- Un dossier à propos de la SF catastrophe sur le Cafard Cosmique : http://www.cafardcosmique.com/La-SF-Catastrophe-mille-et-une
- Catastrophes, cataclysmes et fins du monde de Jean-Pierre Andrevon sur Noosfere : http://www.noosfere.com/icarus/articles/Article.asp?numsection=12&numarticle=138